Droit à l’image des enfants

Le célèbre magazine Forbes a publié, pour la sixième année consécutive, son classement des youtubeurs les mieux payés au monde. En sixième et septième position, Ryan Kaji, 11 ans, et Anastasia Sergeyevna, connue sous le nom Nastya, 8 ans avec un chiffre d’affaire respectif de 27 millions et de 28 millions de dollars pour l’année 2021. Ces enfants, de plus en plus jeunes, dévoilent leur vie sur les réseaux sociaux, commercialisant leurs vidéos, leur ligne de produits dérivés ou encore leur propre collection de NFT.

Mais qu’en est-il de la protection de ces mineurs ? Comment protéger le droit à l’image de tous ces enfants-stars sur les réseaux sociaux ?

Le droit à l’image est le droit de disposer de son image. Il y a deux consentements qui doivent être donnés dans toute situation : il faut d’abord toujours donner son consentement pour être filmé ou photographié. Ensuite, il y a un deuxième consentement qui est requis par la loi : le consentement pour publier, utiliser ou diffuser son image. Il y a une distinction à faire entre d’une part, le fait d’être pris en photo et d’autre part, pour cette photo d’être publiée.

Les enfants possèdent d’un tel droit à l’image, ce droit n’étant pas la propriété des parents. Cependant, une distinction doit être faite selon l’âge des enfants, à savoir s’ils ont atteint l’âge de discernement ou pas. Les enfants, à partir du moment où ils ont atteint l’âge de 12 ans, c’est-à-dire l’âge de discernement, doivent aussi toujours donner leur consentement. Le problème est que bien souvent les parents sont présents et incitent leurs propres enfants à donner leur consentement. Lorsque l’enfant n’a pas atteint cet âge de discernement, il ne pourra donner son consentement d’une manière libre et éclairée et sera ainsi représenté par ses parents. Les parents pourraient donc tout à fait publier la vie de leur enfant en vidéo sur les réseaux sociaux sans aucune conséquence, l’intérêt de l’enfant devant néanmoins être pris en compte.

En Belgique, le législateur n’a pas encore légiféré en la matière, il existe toujours un vide juridique pour le droit à l’image de tous ces enfants stars des réseaux sociaux. Il faut cependant mentionner que, bien que le travail des enfants soit interdit en Belgique, il y a une branche où ces derniers peuvent travailler et c’est le monde du spectacle. Si l’enfant, en revanche, fait de la publicité sur les plateformes ce sera considéré comme un loisir, dès lors aucune protection ne leur sera accordée en Belgique.

En ce qui concerne les personnalités publiques, par exemple, les acteurs, stars de téléréalité ou encore chanteurs, l’accord d’être filmé ou photographié va être présumé car cela rentre dans le cadre de leur fonction. Cependant, les enfants de ces personnalités publiques peuvent faire valoir leur droit à l’image, à travers la représentation de leurs parents, si jamais ils sont photographiés ou filmés à leur insu : ce sera considéré comme une atteinte à la vie privée. Maintenant, si l’enfant est une personnalité publique malgré son âge, la protection ne pourra s’appliquer et son droit à l’image ne pourra être protégé car il sera considéré comme agissant dans le cadre de ses fonctions lorsqu’il publiera sur les réseaux sociaux.

Il faut finalement mentionner que la France a été un des premiers pays à légiférer en la matière. En effet, elle a instauré certaines règles afin de protéger les enfants tant bien du monde extérieur que de leurs propres parents, parents qui jouent un rôle prédominant dans l’affichage sur les réseaux sociaux de leur progéniture. La France a adopté deux règles en la matière : premièrement, en ce qui concerne l’argent touché par les mineurs, il sera déposé sur un compte bloqué à leur nom, compte qui ne pourra être contrôlé par les parents et auquel ils auront accès à leur 18 ans. Deuxièmement, le droit à l’oubli, inspiré par le RGPD, ce droit permet à l’enfant, une fois devenu majeur, de demander l’effacement de ses données sur le web et que toutes les photos et vidéos soient supprimées de la toile, lui offrant ainsi une virginité numérique. Ces règles, bien que récentes, pourraient inspirer le législateur belge à enfin légiférer en la matière.

Ecrit par Valentine Maisse

Sophie Everarts de Velp

Sophie Everarts de Velp est juriste (LL.M.), spécialisée en propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, vie privée et e-commerce.

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