La révolution blockchain

Depuis quelques années, de nouveaux termes tels que cryptomonnaies ou blockchain ont fait leur apparition. Cette dernière est annoncée comme LA révolution la plus importante depuis la création de l’Internet. On estime à plus de 10 000 milliards de dollars les investissements dans la blockchain d’ici 2021. Son développement et son utilisation pourraient avoir un impact technologique, économique, politique et sociétal considérable.

Pour rappel, une blockchain peut être décrite comme une base de données distribuée et cryptée, dont l’intégrité est assurée par chaque utilisateur détenant toutes les opérations effectuées depuis sa création. Cette nouvelle infrastructure, utilisée pour stocker des données et gérer des applications logicielles, réduit le besoin d’intermédiaires avec lesquels nous interagissons aujourd’hui. Outre l’absence d’intermédiaires, un ensemble d’autres caractéristiques essentielles peut être présenté : résilience et résistance à la falsification, transparence, pseudonymat et autonomie. Et trois conditions sont à remplir pour que ce système fonctionne : la confiance, le partage et le consensus. 

Plus concrètement, la blockchain est une base de données distribuée qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs et ce, depuis sa création. Ce registre est dit “distribué” car il n’est pas stocké sur un seul serveur central mais de manière simultanée sur plusieurs ordinateurs qui constituent les nœuds du réseau.

Comme mentionné ci-dessus, la technologie de la blockchain est un système décentralisé, ce qui signifie que les institutions publiques ne sont plus indispensables à la réalisation de transactions ou à la conclusion d’accords via cette technologie. Étant donné qu’aucune partie ne contrôle une blockchain, cette dernière ne nécessite aucune partie centralisée pour son fonctionnement et sa maintenance. Cela a pour conséquence de créer un réseau peer-to-peercomposé d’ordinateurs, dispersés dans le monde entier, contenant des données stockées qui sont gérées collectivement. Dès lors, toutes les informations enregistrées sur une blockchain sont authentifiées, partagées et difficiles à supprimer ou même à modifier.

La première blockchain a été créée en 2008 par Satoshi Nakamoto, fondateur de la cryptomonnaie la plus connue du grand public : le bitcoin. Bien que la technologie de la blockchain fût créée dans le but de sécuriser cette monnaie virtuelle, il n’avait pas pour objectif de créer une telle révolution. Il n’était pas question de réinventer certains aspects de notre société, de modifier les institutions ou de transformer notre civilisation.

Côté fonctionnement, la blockchain est une base de données dans laquelle les données sont stockées sous forme de blocs. Chaque bloc est relié à son précédent par un nombre crypté, appelé hash. Toutes les valeurs numériques se trouvant dans un bloc sont additionnées, de sorte que le nombre qui en résulte est unique pour ce bloc. Si le moindre changement est effectué dans les données auxquelles se rapporte le hash, ce dernier sera complètement différent de celui obtenu au préalable. Le hash est calculé et stocké dans la première case du bloc suivant. Cela permet de vérifier si les valeurs sont restées inchangées. Une date et un nombre aléatoire sont ajoutés pour garantir l’unicité du bloc. À l’intérieur des blocs, on ne retrouve pas les données en tant que telles mais plutôt des liens vers des transactions. On pourrait, par exemple, imaginer un algorithme qui calcule un hash pour une photo. En effet, les transactions financières ne sont pas les seules opérations envisageables. Des transactions symboliques peuvent être stockées, appelées tokenisation. La transaction est remplacée par un symbole (par exemple, le bitcoin).

Les opérations effectuées entre utilisateurs du réseau sont regroupées par blocs. Elles sont visibles pour le récepteur ainsi que l’ensemble du réseau. Chaque bloc est validé et sécurisé par les nœuds du réseau, appelés les mineurs, selon des techniques qui varient selon le type de blockchain. Enfin, les transactions validées sont inscrites au registre, sous la forme d’une chaîne de blocs inaltérables.

Les avantages d’une telle technologie sont nombreux. La décentralisation du contrôle des informations nous paraît être le plus intéressant de ces avantages. Force est de constater que, depuis quelques années, la population tend à faire de moins en moins confiance aux institutions financières, telles que les banques. La technique de la blockchain se base sur un système de pair-à-pair (peer-to-peer) dans lequel les utilisateurs ne doivent plus passer par un intermédiaire pour effectuer des transactions mais s’accordent la confiance. En outre, la décentralisation permet une sécurité renforcée et permet d’éviter de nombreux cybercrimes tels qu’un éventuel piratage de la base de données. En effet, si l’un des serveurs s’arrête de fonctionner, les nombreux autres ordinateurs continuent à stocker le registre. Ce système est réputé infalsifiable puisqu’en cas d’intervention malhonnête d’un individu qui souhaiterait, par exemple, modifier les chiffres contenus dans une transaction, la blockchain ne pourrait pas être validée correctement. Pour réussir un hacking, il faudrait avoir accès et modifier en même temps des dizaines de milliers de bases de données indépendantes. Il existe cependant des techniques, telle que l’attaque des 51 %, allant à l’encontre de ce principe d’infaillibilité.

Un autre avantage de cette nouvelle technologie est celle de la traçabilité des transactions enregistrées. Chaque utilisateur de la blockchain peut retrouver une opération et surtout identifier la date à laquelle elle a été effectuée. En outre, la blockchain permet de rendre à la personne concernée le contrôle de ses données. Nous avons le droit de décider par qui, quand, comment sont utilisées nos données. La blockchain permet de partager des informations en restant totalement anonyme. Aucune exigence d’identité n’existe dans une blockchain publique. Enfin, la blockchain permet de rééquilibrer l’accès aux ressources puisque cet outil permettrait à plusieurs milliards de personnes “dé-bancarisées” d’avoir accès à des services financiers et de s’échanger de la monnaie. Un atout certain dans les pays en voie de développement!

Malheureusement, la blockchain ne possède pas que des côtés positifs. Tout d’abord, cette technique constitue un réel désastre écologique. Une étude réalisée en 2014 aboutit à un résultat effrayant. Cette année-là, la consommation énergétique de la blockchain utilisée par la cryptomonnaie bitcoin aurait été équivalente à celle de toute l’Irlande… Cette consommation excessive d’énergie s’explique par la complexité des calculs de minage qui permettent la vérification de l’ensemble des données de la chaîne de blocs. Les fondateurs des cryptomonnaies existantes tentent de trouver des alternatives moins énergivores.

Ensuite, l’utilisation d’une blockchain pourrait permettre à des personnes malveillantes de blanchir facilement de l’argent. En effet, les “blanchisseurs” pourraient injecter de grandes sommes d’argent dans un système basé sur une blockchain (comme par exemple, le bitcoin) et sur plusieurs plateformes d’échange pour ne pas être suspectés. Il suffirait ensuite de reconvertir la somme en monnaie réelle pour récupérer l’argent tout en gardant l’anonymat. De plus, le système de la blockchain ne garantit pas forcément des liquidités. Si le système venait à disparaître du jour au lendemain, l’ensemble des investissements serait dès lors perdu.

Les champs d’exploitation de cette nouvelle technique révolutionnaire sont extrêmement variés. Au-delà des banques, on pense aussi au monde des assurances, des notaires, de l’industrie pharmaceutique et de la santé, de l’immobilier, de la musique, de l’énergie, etc. Nonobstant cette volonté de supprimer totalement les intermédiaires dans de nombreux domaines, les utilisateurs de la blockchain seront toujours dépendants de certains d’entre eux. Par exemple, il faudra constamment des plateformes qui créent et donnent accès aux différentes blockchains. Par ailleurs, cette nouvelle technologie va permettre la création de nouvelles professions telles que mineur ou auditeur de codes.

Enfin, la blockchain pose de nombreuses questions d’ordre juridique (mode de preuve, droits intellectuels, smartcontrats, transfert de titres de propriété, protection de la vie privée,…). Cette technique n’est pas encore régie pas le droit belge et cette prise de contrôle du droit risque d’être longue et insatisfaisante. À première vue, l’absence de cadre peut être considérée comme une opportunité, toutefois, la liberté peut devenir source d’incertitudes. Cependant, puisque l’un des buts premiers de la blockchain consiste en la suppression des intermédiaires, il nous paraît quelque peu contradictoire de voir cette technologie encadrée par des règles strictes imposées par l’Etat. En outre, l’élaboration d’un véritable code régulant cette nouvelle technologie en pleine évolution semble extrêmement compliquée. L’Union européenne a pourtant déjà entamé des travaux préparatoires tendant à réguler certains effets juridiques de la blockchain.

Il semble évident que la blockchain va devenir l’infrastructure des échanges de demain. Il est temps que chacun se prépare à sa construction.

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