L’UE, continent de l’IA
Le 9 avril 2025, la Commission européenne a publié une communication ambitieuse : le AI Continent Action Plan. Ce document stratégique trace les grandes lignes d’un projet européen visant à faire de l’UE un acteur majeur du développement et de l’usage de l’intelligence artificielle, dans le respect de ses valeurs fondamentales : droits fondamentaux, sécurité, inclusion et durabilité.
Si l’IA représente un levier de transformation majeur, l’Union européenne souhaite s’en saisir de manière concertée, en combinant innovation, infrastructures, encadrement juridique et soutien aux acteurs économiques. Le plan s’articule autour de cinq axes principaux, qui visent autant à renforcer la compétitivité qu’à garantir un développement responsable et éthique de l’IA en Europe.
Construire des infrastructures européennes solides
Pour permettre à l’UE de développer ses propres outils d’IA, il est indispensable de lui donner les moyens techniques d’y parvenir. Le plan prévoit la création de 13 AI Factories, véritables écosystèmes régionaux mettant à disposition des supercalculateurs, des bases de données, des formations et des services d’accompagnement.
Ces structures seront complétées par la mise en place de Gigafactories, capables de soutenir des projets de grande envergure, notamment dans les domaines de la recherche médicale, de la robotique ou de la transition énergétique. L’idée est aussi de réduire la dépendance européenne aux infrastructures non européennes, et de favoriser l’émergence de processeurs IA conçus et produits en Europe.
Rendre les données accessibles et fiables
Sans données de qualité, pas d’intelligence artificielle performante. L’Union prévoit de créer des Data Labs au sein des AI Factories, afin de faciliter le partage sécurisé de données entre acteurs publics et privés, dans un environnement contrôlé.
Ces laboratoires permettront aussi de structurer, enrichir et normaliser les données existantes, en lien avec les espaces européens de données sectoriels (santé, mobilité, énergie, etc.). Une stratégie plus large, intitulée Data Union Strategy, est attendue pour le second semestre 2025.
Encourager l’adoption concrète de l’IA dans l’économie
L’un des constats posés par la Commission européenne est que l’IA reste peu utilisée par les entreprises européennes, notamment les petites structures. Le plan entend remédier à cela par une stratégie ciblée – Apply AI – qui vise à intégrer l’IA dans les secteurs clés où l’Europe est déjà compétitive : industrie, santé, énergie, agriculture, services publics…
Les European Digital Innovation Hubs, déjà présents dans de nombreuses régions, verront leur rôle renforcé pour accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de solutions concrètes, du prototype jusqu’au déploiement.
Développer les compétences et attirer les talents
L’UE mise sur les talents pour asseoir sa souveraineté numérique. Le plan prévoit la création d’une AI Skills Academy, qui proposera formations, bourses, concours, programmes de reconversion ou d’accompagnement au retour à l’emploi.
Il s’agit aussi d’attirer des experts de haut niveau venant d’autres pays, en facilitant les démarches administratives et en renforçant les liens entre recherche, enseignement et industrie. L’objectif est double : préparer la prochaine génération de professionnels de l’IA, et accompagner l’ensemble de la population vers une meilleure compréhension de ces technologies.
Simplifier l’application du cadre juridique
Avec l’entrée en vigueur progressive de l’AI Act, l’UE dispose d’un cadre harmonisé pour encadrer le développement et l’utilisation de l’IA. Mais encore faut-il le rendre accessible. Le plan d’action prévoit notamment le lancement d’un AI Act Service Desk, une plateforme de soutien à destination des entreprises, en particulier les PME, qui permettra de poser des questions concrètes et d’accéder à des outils pratiques (guides, checklists, modèles…).
Des mesures complémentaires sont aussi envisagées pour faciliter la conformité, comme des formations ciblées, des bacs à sable réglementaires dans les États membres ou encore des clarifications sur les liens entre le règlement IA et d’autres textes comme le RGPD ou la législation sectorielle.
Une dynamique européenne à suivre de près
Le AI Continent Action Plan confirme que l’Union européenne ne veut pas seulement réguler l’intelligence artificielle, mais aussi investir, expérimenter et former, pour garantir une place européenne dans ce domaine en forte croissance.
Pour les professionnels du droit et du numérique, ce plan marque une étape importante. Il annonce de nouvelles responsabilités, de nouveaux outils, et ouvre des perspectives intéressantes dans l’accompagnement des acteurs privés comme publics