Comment garder un secret ?

Lorsqu’on parle de propriété intellectuelle vous avez sûrement en tête le droit des marques, les droits d’auteur ou encore le droit des dessins et modèles. Mais, connaissez-vous les ‘secrets d'affaires’? La recette du Coca-Cola, d’un célèbre parfum ou encore un logiciel sont des exemples parmi tant d’autres de savoir-faire et d’informations qui sont gardées secrètes.

À l’initiative d’une directive européenne (2016/943)[1], la Belgique a introduit en 2018 un cadre légal pour la protection des secrets d’affaires.

Commençons par les bases de la qualification de secret d’affaires. Il existe 3 conditions:

1.     Les informations sont secrètes: on entend par là qu’elles ne sont pas généralement connues par des gens du milieu, ou bien elles ne sont pas aisément accessibles ;

2.     Les informations ont une valeur commerciale de par leur nature confidentielle ;

3.     La personne qui possède ces informations secrètes a pris des dispositions raisonnables pour garder ces informations secrètes.[2]

Les conditions (1) et (2) sont généralement, remplies - ou non, en fonction de la nature des informations. En revanche, la troisième condition requiert que le détenteur de ces informations prenne des dispositions pour les garder secrètes.

Le champ d’application des secrets d’affaires est assez large.

Mais comment protéger son secret ?

  1. Avoir un accord de confidentialité (NDA) et de non-concurrence: faire signer à toute personne qui serait au courant de ces informations un « non-disclosure agreement ». Qui est en somme un contrat par lequel l’autre parti s’engage à ne pas révéler certaines informations. Attention, ces accords doivent être signés aussi bien par les employés que par les collaborateurs externes. En effet, quiconque pourrait être en possession de ces informations devrait être lié par un contrat.

  2. Contrôler l’accès aux informations: tant électroniquement que physiquement (selon la forme de stockage des informations), l’accès aux informations doit être régulé.

  3. Recenser les informations et évaluer les risques: il est important en interne de définir les informations qui sont confidentielles et identifier les potentielles fuites.

  4. Informer et sensibiliser ses employés sur les informations confidentielles et leurs obligations en la matière.[3]

Ces pistes pour protéger son secret ont deux intérêts. Tout d’abord protéger ses informations afin qu’elles ne soient pas utilisées par des concurrents. Mais en plus en cas de divulgation de secret d’affaires, vous pouvez prouver que des dispositions ont été prises pour protéger votre secret. Condition sine qua non pour que les informations soient qualifiées de secret d’affaire. Et par conséquent soient protégées.

En revanche, les secrets d’affaires ne confèrent pas à son détenteur un droit exclusif sur les informations.

Cas pratique

Prenons l’exemple de votre boulangerie locale qui a sa recette super secrète pour sa baguette. Sauf que l’un des employés se voit offrir un meilleur salaire pour travailler dans une boulangerie concurrente. Ni une ni deux, il s’empresse d’accepter l’offre et partage même la recette de son ex-employeur.

Analysons ce cas de figure. Tout d’abord, est-ce que cette recette est protégée par la loi sur les secrets d’affaires. Ensuite, est-ce que l’employé peut librement partager la recette ?  Dans le cas contraire quels sont les recours existants pour le boulanger ?

En ce qui concerne la nature secrète de la recette. Premièrement, si celle-ci contient des ingrédients spéciaux, qu’on ne trouve pas généralement dans les recettes de pain, on pourrait la considérer comme de nature secrète. Deuxièmement, sa valeur commerciale est facilement établie. En effet, le pain fabriqué sur base de cette recette est vendu dans la boulangerie et rapporte de l’argent. Par conséquent, la recette a une valeur commerciale.

Troisièmement, il faut apprécier si le détenteur de la recette a fait des efforts raisonnables pour protéger sa recette[4]. Par exemple, si la recette est entreposée dans un espace sécurisé, ou bien les personnes y ayant accès ont signé un NDA (non-disclosure agreement).

La recette pourrait donc être protégée comme secret d’affaires. Dès lors, elle ne peut pas être divulguée sans accord.

Qu’est-ce que le boulanger peut faire pour faire valoir ses droits?

En effet, les détenteurs de secrets d’affaires peuvent faire valoir leurs droits dans quatre cas de figure[5]:

  1. Lorsque le secret a été obtenu grâce à accès non-autorisé ;

  2. Si il y eu un comportement considéré comme contraire aux usages honnêtes en matière commerciale: Le secret d’affaire a été divulgué sans l’accord de son détenteur par quelqu’un qu’il a obtenu le secret de façon illégale, ou en violant un accord de confidentialité ou tout autre obligation émanant d’un contrat ;

  3. Si la personne qui divulgue une information la obtenue d’une personne qui n’avait pas l’autorisation de partager l’information. Et si cette personne ne le savait pas, mais les circonstances font qu’il aurait dû être au courant, la divulgation est également illégale ;

  4. Lorsque l’information est utilisée à des fins commerciales, tandis que la personne savait ou aurait dû savoir qu’elle n’était pas utilisable.

EXCEPTIONS

Cependant l’obtention d’un secret d’affaire n’est pas considérée comme illégal dans certains cas[6]

-        Lorsque la personne a découvert ses informations via des recherches ou une création indépendante ;

-        Si quelqu’un découvre le secret en observant, étudiant ou démontant un produit qui est disponible au public. De plus, cette personne ne doit être lié par un contrat de non-divulgation ;

-        Tout autre pratique considérée comme conforme aux pratiques honnêtes en matière commerciale ;

-        Si un travailleur ou représentant fait usage de ses droits à l’information et à la consultation.

En conclusion, un savoir-faire ou des informations peuvent être protégées si elles répondent à trois conditions: elles ne sont pas connues de tous, sont de nature commerciale et elles font l’objet de mesures prises pour les garder confidentielles. Afin de limiter les risques de divulgation, l’une des meilleures armes reste les accords de confidentialité (NDA) qui permettent d’agir en cas de violation.

Ecrit par Sweder van Zuylen et Sophie Everarts de Velp

[1] Directive UE 2016/943, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, 2016.

[2] SPF Economie, Secrets d’affaires : protection par le secret d’invention, du savoir-faire ou d’informations, accessible ici.

[3] WIPO, Protéger ses secrets commerciales, Février 2016, accessible ici.

[4] LexGo, Nouvelle législation protégeant les secrets d'affaires : première jurisprudence, 6 février 2020, accessible ici.

[5] Code Économique belge Chapitre VIII/1, Art XI.332/4.

[6] Code Économique belge Chapitre VIII/1, Art XI.332/3

 

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